Qu’Éric Ruf soit scénographe ou qu’il assure aussi la mise en scène, les images scéniques qu’il conçoit le sont toujours avec les costumes de Christian Lacroix. « Le Soulier de satin » est leur vingt-deuxième collaboration.
LE SOULIER DE SATIN de Paul Claudel
Version scénique, mise en scène et scénographie Éric Ruf
Du 21 DÉC 24 au 13 AVR 25
Christian Lacroix. Notre premier « duo » a été Peer Gynt et je me souviens avoir procédé par planches, comédien par comédien, entre croquis, peinture et collages, à élaborer ensuite quasi exclusivement à partir des costumes d’anciennes productions déclassées réassemblés. Puis il y a eu Roméo et Juliette. Éric a évoqué sa vision d’un espace-temps suspendu entre Italie du Sud et Balkans, l’ex-Yougoslavie, exposé à la canicule. Et je l’ai inondé de photos en noir et blanc, d’images qui quelquefois n’avaient rien à voir directement avec ce que nous nous étions dit mais qui me semblaient refléter l’idée que je me faisais de ce que je lui avais entendu raconter. Chaque metteur ou metteuse en scène réagit différemment devant ces kaléidoscopes, ces puzzles et j’aime beaucoup qu’Éric appelle désormais ce premier dossier « la valise magique RTL » !
Chacun a aussi sa manière de regarder les images, de les retenir. Souvent des détails que parfois je n’avais pas remarqués moi-même. Un ruban, une expression, une posture. Collaborer ensemble m’a conforté dans l’idée de privilégier les photos ou les tableaux, plus précis, plus concrets, plus parlants que mes croquis souvent disproportionnés, peu explicites pour les ateliers.
Pour Le Soulier le nombre de personnages à interpréter pour beaucoup de comédiennes et comédiens et le parti pris d’utiliser au maximum les stocks du théâtre pour garder une impression d’improvisation, ont dicté, imposé une autre façon de faire, par dossiers de détails, éléments de collages à composer. Les costumes ensuite s’échafaudent et se peaufinent, se parachèvent au long des essayages, des répétitions, entre les ateliers et les archives ; des ateliers si perfectionnistes qu’il est difficile parfois de garder le côté « improvisé », que la récupération d’éléments anciens, comme sortis des panières, presque au hasard, vient par contre souligner.
Christian Lacroix. Mes premiers costumes pour la Comédie-Française ont été ceux de Phèdre mise en scène par Anne Delbée qui les souhaitait inspirés de la peinture de Philippe de Champaigne en particulier, avec dentelles, broderies, ornements baroques. Renato Bianchi – qui dirigeait les ateliers de costumes –m’avait ouvert sa caverne d’Ali Baba : depuis des années il sauvait les costumes anciens trop abîmés pour être réutilisés tels quels, tous les précieux éléments d’époque – boutons, passementeries, dentelles, bijoux, restes de broderies ou de rubans qui viennent donner aux costumes d’aujourd’hui un supplément d’âme. Puis il m’a montré les réserves, un rêve d’enfant pour moi. Je suis sensible à l’idée des comédiennes et comédiens des XIXe et XXe siècles qui ont « habité » ces costumes, comme s’ils les avaient imprégnés de leur texte et de leur talent en même temps que de leur fard et de leur transpiration. J’aime la patine, l’âge, la fatigue qui rendent encore plus parlants ces vestiges. J’aimerais que mes costumes ressemblent toujours à des costumes anciens, fatigués, patinés, « vécus », imprégnés à la fois de l’âme des personnages et de la personnalité de leur interprète. Qu’ils portent une lumière intemporelle. Je n’aime pas l’aspect trop neuf, trop rutilant ou lisse. Il me faut l’empreinte des tendresses et violences passées, ou d’une saison à l’autre. J’aime passionnément, par exemple, l’idée que le costume porté par Florence Viala en Madame Sarti dans La Vie de Galilée devienne dans Le Soulier celui de sa Doña Elvira, comme lorsque les acteurs ou les chanteurs se déplaçaient avec leur panière personnelle pour interpréter plusieurs rôles. Lors des essayages, je regarde toujours l’envers de ces pièces ressuscitées, (une autre de mes passions, « l’envers » !) tellement parlant avec tous ces stigmates, ces scarifications, ces accidents, les auréoles de représentations centenaires parfois, les reprises sur les accrocs, l’écriture minutieuse à la plume sur les étiquettes de tissus ou de papier où l’on peut lire le nom des « habitants », locataires ou propriétaires de ces quasi-« reliques ».
Christian Lacroix. J’aime la phrase que l’on attribue à Goethe : « L’avenir, ce sont les éléments du passé revisités. » Enfant et adolescent je rêvais déjà que l’on me donne à reconstituer une époque au plus près, le plus authentiquement possible, à la façon de Visconti et Tosi. Je me suis rendu compte en chemin que c’était une utopie et que la période dans laquelle nous travaillons imprime toujours de son empreinte les reconstitutions les plus perfectionnistes – avec le recul on décèle par exemple l’esprit de la mode des années 1950 dans Senso, une certaine allure 1960 dans Le Guépard, un « air du temps » 1970 dans Les Damnés, etc. Mais j’aime me plier aux documents comme aux demandes des metteurs et metteuses en scène. Ce n’est pas du tout une contrainte, au contraire, cela circonscrit un champ d’action précis, bien délimité, balisé, même si, bien sûr, au fur et à mesure que le projet s’élabore, les échanges, les propositions et d’autres inspirations peuvent venir enrichir le propos, l’approfondir, le prolonger, pour lui donner sa spécificité au-delà de l’exactitude historique.
Christian Lacroix. L’œuvre appartient pour moi à ces sagas qui vont de L’Illiade et L’Odyssée au roman picaresque en passant par les mystères des cathédrales médiévales et les romans initiatiques, ces épopées où religion et amour profane se mêlent, une chanson de geste, un ovni qui ne ressemble à rien d’autre, un monument multi-facettes constellé d’entrées diverses, bigarré, impossible à appréhender, ésotérique, hermétique, à pénétrer lentement et fiévreusement à la fois, comme on lâche un livre, passe certains passages, pour se laisser subjuguer plus loin par le texte et ses images. « Une geste » qui séduit comme on est séduit par ce qui nous échappe et nous intrigue, une langue historique et exotique, une délicieuse indigestion.« Le Pire n’est pas toujours sûr », « Se non è vero è ben trovato » (Si ce n’est pas vrai, c’est bien trouvé).
Retrouvez l'entretien de Christian Lacroix par Béline Dolot :
pour les représentations de mars à juillet 2025
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